Dans les années 60 & 70, le kompa fait danser Port-au-Prince et s’invite jusque dans les fêtes présidentielles. C’est durant cette période faste pour la musique haïtienne que l’orchestre Ibo Combo sort Café, un bijou à consonance jazz qui fait figure de photographie de l’audace musicale de l’époque.
Quand, en 1972, Ibo Combo sort son quatrième projet, le kompa originel a bien évolué, la musique yéyé qui déferle sur les ondes mondiales connaît une influence certaine sur la musique de l’île. À l’origine on doit la création de ce genre au saxophoniste Nemours Jean-Baptiste qui, au cœur des années 50 va trouver l’alchimie entre les musiques traditionnelles haïtiennes, le meringue dominicain et le calypso antillais. Rapidement, le genre connaît un certain succès jusqu’à atteindre son apogée dans les années 60 & 70. À cette époque les combos essaiment et chaque bal a sa formation locale qui dicte la cadence de ses accords chaloupés.
En 1962, l’hôtel Ibo Lélé crée une formation : Ibo Combo est né. Le jeune orchestre surfe sur la fièvre kompa qui s’est emparée de l’île et qui voit les Shleu-Shleu et autres groupes se produire au carnaval de Port-au-Prince. Ces mini-djaz, comme ils sont nommés à l’époque, ont une section rythmique fournie. Elle s’organise autour d’un joueur de congas, d’un batteur qui use seulement du charleston et d’un dernier musicien qui joue de la cloche ou du tom-basse. L’animation mélodique est assurée par une guitare rythmique et une guitare lead auxquelles s’ajoute un saxo alto qui complète l’ensemble.
Dans cette émulation qui atteindra les jardins présidentiels de Jean-Claude Duvalier, grand fan du genre, Ibo Combo va mener une carrière discrète. De ces années 60, aucun projet n’est aujourd’hui répertorié et le groupe va connaître de nombreux bouleversements au niveau de sa composition originelle. Avec l’avènement des années 70, Haïti aborde la décennie sourire aux lèvres : l’économie se porte bien, le carnaval attire des touristes du monde entier et les musiciens sont dorénavant mieux rémunérés. Leurs sons ont autant de succès dans leur île natale qu’au sein de la diaspora présente aux États-Unis et au Canada. Ibo Combo en profite pour sortir un premier album éponyme qui se noie dans la masse de sorties musicales que connaît le marché haïtien d’alors.
C’est dans ce contexte que Ibo Combo sort Café en 1972. L’orchestre, qui compte alors dix membres, enregistre à New-York un album ramassé en huit titres de kompa où la touche jazz est omniprésente. À la production, Boulo Valcourt qui deviendra une pointure du jazz haïtien écrit la majorité des chansons du groupe où les harmonies jazz portées par son saxo alto sont rythmées par les tambourins et les congas. Dans un opus qui s’écoute sans effort, quelques morceaux surnagent à l’instar de l’entraînant Rat La, une reprise d’un classique des années 60, écrit par Coupé Cloué pour son groupe du Trio Select. L’oreille est aussi transportée par la reprise du boléro matinal Café, œuvre originelle d’Ansy Dérose ou encore Ti Garçon qui est un hymne à destination de la diaspora haïtienne en Floride.
Un titre qui sera d’ailleurs repris dans la compilation Haïti Direct parue en 2014 chez le label anglais Strut. Ibo Combo se séparera après ce quatrième et dernier projet. Initialement sortie chez Macaya records, la galette sera rééditée chez Antilles Mizik en 2007. Preuve de la qualité d’un disque à consommer sans modération et qui ensoleillera vos après-midi oisives.