Pionniers de la cumbia amazonienne Los Mirlos font figure d’incontournables de la scène péruvienne. Vous les avez forcément entendu au détour d’une compilation du genre qui fleurissent ces dernières années. Focus sur Tiro al blanco, album de 1982. Au menu, riffs hypnotisants et rythmes qui suintent la moiteur tropicale.
Moyobamba, 1235 kilomètres au nord de Lima, capitale du département de San Martin, Amazonie du nord. C’est ici que le son des Mirlos va prendre racine. Jorge Rodriguez Grandez, fondateur du groupe y voit le jour et sera tout de suite influencé par son musicien de père, joueur d’accordéon à ses heures perdues. Dans un pays centralisé comme l’est le Pérou, une carrière musicale n’est envisageable qu’en rejoignant la ciudad de los reyes (la cité des rois en VF, surnom de Lima).
Le tout jeune Jorge rejoint la capitale en 1970 et se lance alors à corps perdu dans la musique. Trois ans plus tard, le groupe Los Mirlos, littéralement les Merles, voit le jour. Une histoire de famille où se retrouvent ses frères Carlos et Segundo ainsi que leur cousin Wagner. Ils ne le savent pas encore mais ils se lancent dans une carrière qui durera 45 ans. Fiers de leurs racines, ils vont se mettre à jouer de la cumbia amazonienne et s’inscrire dans le sillon creusé par Los Wembler’s de Iquitos, pionniers du genre, eux qui ont été les premiers à ajouter la guitare électrique à la cumbia traditionnelle. Sous genre de la cumbia originaire de Colombie et qui a essaimé partout en Amérique du Sud, dont le Pérou, la cumbia amazonienne est rapidement catégorisée comme psychédélique.
Dictée par des accords nerveux de guitare électrique et amplifiés par la pédale de distorsion, complétés par des sons gutturaux magnifiés par les rythmes de danses colombiennes et brésiliennes, la cumbia amazonienne sonne comme une invitation à la transe. Concernant les paroles, Los Mirlos ne se contentent pas de chanter l’amour sous toutes ses formes comme le font beaucoup de groupes, mais ils vont aussi célébrer leurs racines amazoniennes et la beauté de la nature, à l’instar de Juaneco y su combo.
Dans la fourmillante capitale péruvienne, leur musique hypnotisante les démarque tout de suite des autres groupes de cumbia traditionnelle. Un genre qui détonne dans un Pérou sous l’égide du général Juan Velasco Alvarado, où la dictature lui préfère les valses criollas. En 1973 Jorge et sa bande débarquent dans les bacs en signant leur premier album: El Sonido Selvatico, paru sur le label Infopesa, futur incontournable de la musique péruvienne. Avec Ranil, ils deviennent instantanément les fers-de-lance de la cumbia amazonienne dans la capitale.
Le succès est immédiat, et Les Mirlos, ultra productifs, maintiendront un rythme effréné avec un à deux albums par an. Rapidement ils squattent les charts avec des titres comme Cumbia Amazonica, La Danza de los Mirlos, Eres Mentirosa, Lamento en la selva… devenus autant de morceaux références de la cumbia amazonienne que toutes les fêtes de familles et soirées de Lima et d’ailleurs passent en fond sonore. Ils deviennent reconnus dans tout le continent et sont parmi les premiers groupes à s’exporter à l’international.
À partir des années 80, ils voyagent aux États-Unis d’Amérique et donnent une touche plus ancrée dans l’air du temps à leur musique en ajoutant un organe électronique à leurs productions. C’est dans ce contexte que s’inscrit leur Tiro al blanco, sorti en 1982. Ce treizième album s’ouvre sur le morceau éponyme Tiro al blanco, titre énergique où les synthés sont omniprésents. La suite s’enchaîne sans efforts durant les douze pistes festives de l’album, entre rythmiques endiablées et riffs imparables, parmi lesquelles on retiendra les efficaces Claveles y rosa, Cumbia y guitarra et Domingo por la mañana. En résulte un album presque uniquement instrumental mais sans temps morts, redoutable valeur sûre pour enflammer les dancefloors.
Ce Tiro al blanco, ne sera qu’une étape de plus dans une carrière riche de succès qui s’étire encore à l’heure où nous écrivons ces lignes. Toujours fringants malgré les 45 ans de carrière et les 30 albums au compteur, Los Mirlos continuent de partager la cumbia amazonienne aux quatre coins du monde. Liés intimement à la réussite du label Infopesa, chez qui ils signeront la plupart de leurs albums, ils apparaissent encore régulièrement sur des compilations et des rééditions et continuent de jouer leur rôle officieux d’ambassadeurs de l’Amazonie péruvienne sur les scènes du monde entier.